En collaboration avec l’université du Burundi, la Commission Vérité et Réconciliation a organisé le mercredi 23 mai 2018 à l’Hôtel source du Nil une conférence publique autour du thème : « Établissement des responsabilités dans le cadre de la justice de transition ». « Au vu du passé et du présent de notre pays, La CVR réussira-t-elle vu la délicatesse du travail qui l’attend? », s’interroge Patrick Nimpagaritse.
Lors de cette conférence, la CVR a annoncé qu’elle entamait la phase finale de sa mission, celle de la qualification et de l’établissement des responsabilités dans les crimes commis de 1962 à 2008. Un travail délicat se profile donc à l’horizon. Car, qualifier un crime, établir des responsabilités n’est pas si aisé que ça. La CVR dira qu’à ce sujet, elle sollicitera l’expertise des juristes compétents en la matière. La faculté de droit de l’Université du Burundi a été choisie dans ce sens. Mais pour autant, la tâche est-elle facile ? La CVR réussira-t-elle vu la délicatesse du travail qu’il attend ?
Problème de contexte
Une chose est à souligner. Cette dernière phase du travail de la CVR arrive dans un contexte politique des plus incertains. Déjà, il faut rappeler que depuis son institution, cette Commission avait été contestée par une opinion, qualifiant sa mise en place d’inopportun eu égard au contexte politique de l’époque et du moment (oui, du moment car même aujourd’hui beaucoup diront que le climat n’est pas favorable à son travail). Même actuellement, il y en qui ne se reconnaissent pas dans son travail et qui demandent purement et simplement l’arrêt de ses activités jusqu’à nouvel ordre. Voici une des doléances de l’opposition lors des récentes rencontres d’Arusha. Car, il faut bien l’avouer, dans les conditions actuelles, le travail de la CVR est loin de satisfaire tout le monde. Avec une pléthore de politiques en exil, avec un demi-million de réfugiés dans la sous-région, avec l’environnement politique du moment et devant le quasi-échec du dialogue inter-burundais, difficile d’espérer un exploit de la CVR. Ceci est d’autant plus vrai que rétablir les responsabilités, qualifier un crime n’est pas un jeu d’enfant. Même avec un parterre de juriste et d’historiens, sans une volonté politique et par là un climat politique apaisé, espérer les prouesses de la CVR est un leurre.
Faut-il laisser tomber pour autant ?
C’est visible comme un éléphant dans le gazon, la tâche semble compliquée. C’est d’ailleurs le cas. Mais pour autant, faut-il jeter l’éponge ? Je crois que non. Quand bien même l’unanimité semble inexistante dans le vocabulaire politique burundais, la CVR, même dans ces conditions, peut nous surprendre. Il faut tout simplement qu’elle fasse preuve de lucidité, de courage, de professionnalisme et surtout d’indépendance. C’est vrai, de la part des observateurs avisés, la place est au pessimisme. Mais, la balle est dans le camp de la CVR. À elle de montrer à la face du monde qu’elle peut relever le défi, qu’elle pourra, le moment venu, rétablir les responsabilités, pointer du doigt un crime commis par nos « princes » ou autres « puissants » de notre royaume des tambours.
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