La plateforme des opposants en exil connaît des luttes intestines qui ont débordé le cadre de leur formation pour se matérialiser en posts virulents sur les réseaux sociaux. Serait-ce le début de la fin pour le « Conseil National pour le Respect de l’Accord d’Arusha pour la paix et la Réconciliation au Burundi, de la constitution de 2005 et l’État de Droit » ?
Docteur Jean Minani vient d’être réélu comme président du CNARED, la plateforme de l’opposition en exil. Mais d’après les publications de certains membres dirigeants de cette plateforme sur les réseaux sociaux, il est clair que la nouvelle direction ne fait pas l’unanimité. Depuis quelques mois déjà, il se murmurait qu’il y avait deux camps dans cette plateforme qui « se crêpait le chignon » : celui de Jean Minani, plus conciliant avec le pouvoir de Bujumbura, et celui dominé par le MSD d’Alexis Sinduhije, plus radical.
Un des militants proches du CNARED résume ainsi ce qui s’est passé avec la réélection de Jean Minani : « Le camp qui veut participer aux élections prochaines s’est opposé à celui qui ne veut pas en entendre parler. Et le camp pro-élections a gagné ».
Alors la question qu’on se pose est la suivante : s’il y a un camp qui ne veut pas participer aux élections prochaines, qu’est-ce qu’il veut ? « Ils ont caressé la tactique des armes, ça n’a pas fonctionné ; les contextes historique et géostratégique ne s’y adaptent pas. Mais eux ne le comprennent pas. Actuellement, c’est difficile de convaincre le peuple burundais et l’opinion internationale que la guerre reste la seule option, malgré toute la mauvaiseté du régime », ajoute notre source.
Quelle est la suite ?
Est-ce que le camp des perdants, qui s’était tellement battu pour limoger Jean Minani de la direction, va-t-il ranger la hache de guerre et accepter son « leadership » ? « Le divorce est déjà consommé », répond un connaisseur du CNARED.
Il y a donc deux scenarios pour l’avenir du CNARED. Le premier est l’explosion rapide : ce ne serait pas surprenant de voir les partisans de l’aile la plus radicale claquer les portes de la plateforme et créer une formation à eux. Cette dernière deviendrait alors le versant politique et diplomatique des mouvements armés.
Le deuxième scénario est l’explosion lente mais sûre : le CNARED pourrait sauver sa face et garder une union de façade. Mais ce serait une union faible, puisque n’étant pas bâtie sur un consensus, mais une résignation de l’aile la plus radicale.
Dans tous les cas, cette division fera le bonheur du gouvernement de Buja lors des négociations à venir : le gouvernement caressera l’aile la plus conciliante pour se débarrasser une fois pour toutes de l’aile radicale. Cette situation serait avantageuse pour le pays si le CNARED avait aussi les moyens de se débarrasser de l’aile radicale du parti au pouvoir. Les « modérés » des deux camps pourraient construire le Burundi sur une nouvelle base. Mais nous savons que le CNARED n’a pas ces moyens, ce qui veut dire que c’est lui qui va y laisser des plumes.
Le CNARED est en voie de disparition, et l’opposition devra se reconstituer en une nouvelle force plus crédible.
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