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« Barya incuti » : ces parentés qui « mangent » nos foyers

L’après-mariage n’est pas toujours facile à gérer au Burundi. Dans certains couples, des membres de la famille s’invitent, s’imposent, chamboulent des fois les projets et les rêves des jeunes tourtereaux. « Pour la plupart d’entre eux, ils viennent de la campagne soi-disant pour rendre visite, mais finissent par rester indéfiniment », constate amèrement la blogueuse Annick Ndihokubwayo (pseudo).

« Enfin, on s’est dit oui pour la vie, on a tout notre temps pour réaliser nos projets, nos rêves! » Tel était le souhait de Jean récemment marié à Claudine. Vu que se payer une lune de miel pour beaucoup de jeunes couples ici est un luxe, ils ont choisi de rester dans leur cocon, à la maison, à l’abri des regards indiscrets, et voulaient profiter du moment et des moyens dont ils disposaient. Au moment où ils commençaient enfin à faire connaissance, à donner un rythme à leur vie commune, planifiant combien d’enfants ils auraient et autres trucs encore, des parentés venues de la campagne ont débarqué, pour leur rendre visite.

Juste et Médard (pseudos) sont des cousins proches de la famille de Claudine. Ils sont tous les deux de jeunes élèves. Ce jour-là, ils sont arrivés avec un sac de pommes de terre sur le dos, un peu de farine de maïs, tout cela envoyé par leur maman, tante de Claudine. Le jeune couple les a accueillis, sourire aux lèvres, à la burundaise, les faisant sentir comme chez eux. Ils leur ont offert à boire, et à manger, leur ont demandé des nouvelles de la famille laissée à la campagne.

La nuit s’est invitée, le jeune couple n’a pas osé demander si les deux jeunes gens allaient passer la nuit là ou rentrer chez eux. Claudine leur a préparé un lit dans une des chambres de la petite maisonnette à trois pièces que le couple loue à Nyakabiga. Les deux cousins ont passé le premier jour, le second, une semaine, deux semaines, et un mois s’est écoulé. Le couple n’a pas voulu s’inquiéter vu que c’était les grandes vacances. « Finalement, j’ai fini par comprendre que les deux jeunes étaient venus s’installer définitivement quand je les ai vus enfiler leurs uniformes au début de l’année scolaire », confie Jean, toujours abasourdi.

Le lot de beaucoup de familles

Au Burundi, de telles « visites » sont très fréquentes. Un nouveau foyer dans les villes est souvent perçu comme une opportunité à exploiter pour certains de leurs proches, particulièrement ceux de l’intérieur du pays ou les moins nantis. Malheureusement, certains de ces derniers n’avertissent pas qu’ils viennent soit pour finir leurs études, soit pour trouver un emploi, ou tout simplement avoir un toit. Ils ne laissent même pas le choix aux jeunes couples de faire une vie à deux ne fût-ce que pour quelques mois, le temps qu’il y ait une progéniture qui se présente. Et qui dit enfants, dit dépenses. Le jeune foyer aurait pu s’en sortir facilement s’il n’y avait pas eu d’autres frais supplémentaires. La vie est devenue alors compliquée.

Et oser demander à ses proches de trouver un autre endroit où vivre est impensable pour un Burundais. L’hospitalité c’est sacré, et personne ne veut s’attirer la haine de la famille. Ils acceptent alors de souffrir en silence. Ce n’est pas pour rien que dans le jargon de la ville ces parentés qui s’invitent sont appelés « barya incuti », qu’on peut littéralement traduire par « ceux qui mangent leurs familles ».


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Les commentaires récents (1)

  1. À l’époque actuelle, beaucoup de gens ont des téléphones mobiles. On n’est plus dans les années où quelques foyers avaient un téléphone fixe. Maintenant pour aller rendre visite à une famille, normalement on avise. Et faire semblant d’aller rendre visite pour quelques jours et y rester, vraiment on exagère. La plupart de jeunes foyers en ville ne vivent pas dans de bonnes conditions. S’il faut demander d’aller s’installer dans une famille, c’est une question à étudier sérieusement. Parfois il faut s’entendre pour une éventuelle contribution. Par ex la famille de l’intérieur du pays devrait envoyer des vivres de temps en temps ou contribuer un peu d’argent pourquoi pas.