La récente disparition dans la nature de six jeunes burundais a fait couler beaucoup d’encre. La condamnation a été générale. La blogueuse Bella Lucia Ninihazwe et le blogueur Ivan Corneille Magagi nous proposent un autre son de cloche.
D’abord le point de vue de Bella Lucia :
Les six jeunes se sont démarqués juste par leur fugue en groupe, mais ce n’est que l’arbre qui cache la forêt. Bon nombre de Burundais, jeunes ou âgés, ont atterri en Occident dans les mêmes conditions. « Ils auraient dû revenir. Ces jeunes se montrent non patriotes en fuyant le pays. Il fallait qu’ils reviennent pour contribuer au développement de leur pays » critiquent certains « patriotes ». Que c’est facile de jeter la première pierre !
Du coup, j’ai envie de ramener sur la table toutes ces interrogations « gênantes » que l’on esquive : le contexte burundais est-il propice pour permettre aux jeunes génies de l’informatique d’améliorer leurs connaissances, exploiter leurs talents ? Etait-il possible pour eux de développer leur imagination dans la robotique sans machine ni internet, dans les écoles qui n’ont ni labo, ni bibliothèque, sans personnel compétent ? Sont-ils les premiers à prendre cette décision d’aller voir ailleurs ? Combien d’hommes « forts», détenteurs de diplômes prestigieux, ont quitté leurs bons postes, laissant derrière eux des villas, pour aller se caser dans des studios en Europe, au Canada, aux Etats Unis, … ?
Faisons face à la réalité. Au lieu de condamner ces escapades, il faut plutôt se demander comment peut-on faire pour que les Burundais s’intéressent à leur pays.
Yvan Corneille Magagi s’est exilé récemment. Pour ce jeune blogueur, il faut « fuir son pays, tant que cela se peut encore! ». Il s’explique :
C’est parfois facile d’accuser ceux qui ont fui d’avoir succombé au charme du luxe occidental. Mais dans certaines situations, on aimerait atterrir dans un centre de réfugiés en Somalie ou en Afghanistan que rester au pays. Et puis, le luxe, c’est vivre près de ses proches, fréquenter une université publique gratuite, vivre dans un pays qui te reconnaît sa citoyenneté… Le luxe, ce n’est pas faire des files d’attente pour avoir des repas gratuits ou à moindre prix, dans un froid de canard ou sous un soleil accablant. Mais au moins comme ça, les exilés sont libres et en sécurité, deux droits qui leur sont certainement refusés chez eux. Faut-il être un génie pour comprendre que dans ce cas le choix est vite fait ?
À chaque fuite, une histoire propre
C’est trop facile de juger dans la globalité. Mais derrière ce qu’on peut considérer comme « fuite malhonnête », il y a toujours une histoire. Le 9 Août 2015, un certain Pierre Claver Mbonimpa quitte le pays pour aller se faire soigner à l’étranger sur autorisation expresse de la Justice. Il était, juste avant cela, sous le coup d’une interdiction de voyager. Il n’est pas encore rentré, aux dernières nouvelles. J’imagine et j’espère qu’il s’est remis de sa convalescence. Mais qui a osé hausser sa voix contre cette attitude ? Qui a osé dire que cela mettait en danger d’autres personnes?
En fait, personne ! On ne juge que pour se faire plaisir, et ne parle que pour faire sensation !
Un appel à la réflexion
Dans l’état normal des choses, il serait bon pour un homme de vivre dans son pays, en jouissant de ses droits et libertés fondamentaux ! Mais cela justement dans l’état normal des choses. Est-ce le cas au Burundi ?
Que des personnes fuient leurs pays craignant pour leur vie, ce n’est pas nouveau, ni un concept propre au Burundi ! Parmi nos dignitaires, il y en a qui ont vécu des années et des années en exil. Quand ils sont partis, certains ne les comprenaient pas ou les condamnaient. C’est toujours comme ça ! Je considère que lorsqu’un Burundais parvient à se mettre à l’abri, ça devient une vie sauvée. Pensons à tous nos amis, aimés, fauchés depuis les dernières crises (parce que il y en a eu plusieurs) ! Pensons aussi aux prisonniers politiques, ou autres injustement emprisonnés ou encore ayant subi des traitements inhumains! Si nous avions eu le pouvoir de leur éviter cela en leur faisant fuir peu importe la voie, je crois que nous l’aurions fait sans tergiverser.
Fuir son pays ne rend personne moins patriote. C’est plutôt une opportunité de sauver une vie, et de donner un meilleur espoir à son pays.
Cela est vrai, on a beaucoup de problemes et les jeunes talentueux d’informatiques ne peuvent avoir dans le contexte actuel un cadre favorable pour ameliorer leurs connaissances. Mais est ce pour autant une raison valable pour disparaitre dans la nature? Est ce que un peu de lobbying et patience pour obtenir une bourse n’auraient pas suffi pour leur ouvrir les portes de l’occident avec honneur? Entendez moi bien, je ne les juge nullement, c’est juste une contribution pour de futurs candidats a l’exil. Parfois avec un peu de patience on peut se sauver avec honneur.
En tout cas ils n’ont pas fait aucun erreur!en voyant le chomage qui regne dans notre pays,et avoir de ’emploi ça demande de milliter au parti!!passer des années et des années au banc de l’ecole pour sortir chomeur!!!même moi si j’avais une petite occasion d’y arriver,retourner au Burundi c’est impossible vraiment!!
Vous avez raison cher ami bloggeur. Moi aussi j’ai fui mon pays, et chaque nuit je rêve de ces collines verdoyantes, de ces brochettes que l’on mangait debout avant de continuer sa route pour une visite à quelques kilometres mais qui me semblaient longs, et très longs. C’était juste avant la perte de la plupart de mes libertés. Avant de fuir, j’ai commencé à enregister des rumeurs d’insécurité, et puis cette insécurité a frappé à côté de moi. Mes amis croupissaient en prison pendant que je me cachais dans un quartier de Bujumbura avant de prendre la fuite par la province de Kirundo. Aujourd’hui, je suis tranquiile là où je suis, j’ai exfiltré ma famille et nous vivons passablement bien là où nous sommes. Ceux qui jettent des flammes brûlantes sur ces jeunes qui ont choisi la liberte et la sécurité se mettent le doigt dans l’oeil et le font d’une facon irreflechi ei irresponsable. S’ils étaient foncièrement sincères, ils avoueraint qu’ils rêvent aussi de vivre dans une chambrette en occident, mais libres comme l’air !!!!!!!, et avoir avoir son électricité 24 heures par jour. O hypocrisie quand tu nous tiens !!!! Avant 2015, je suis allé au Pays. Tous me demandaient si je pouvais les emporter dans mes valises vers mon pays d’acceuil, qui m’a par ailleurs accordé la nationalité !. Je n’ai pas vu un instant une ligne de gens en quête de nourriture dans le pays dans lequel je suis installé. Au contraire ma table est toujours garnie ! J’ai même une belle voiture. Qu’est-ce que c’est la vie? La vie n’est pas se nourrir de chimères patriotiques et de slogans vides de sens pour plaire à l’oligarchie. La vie c’est être libre, sécurisé et pouvoir programmer son avenir. La vie ce n’est pas seulement penser aux élections de 2020, sans avoir le minimum requis pour vivre décemment. La vie ce n’est pas rester enfermé dans une chambre pleine de fumée Bravo aux jeunes gens qui ont pu sauver leur vies et courage aux autres qui veulent sortir de cette chambre pleine de fumée………
Ces jeunes ont fait comme font «les autres» pour les leurs. Ces «autres» ce sont les «grands» du régime et les nantis du pays. Allez-y vérifier dans leurs familles combien de leurs adolescents habitent avec eux. S’ils n’ont pas obtenu des bourses d’étude à l’étranger, ils sont purement et simplement en attente de statut en France, en Belgique, aux Etats-Unis, au Canada, etc.
Ce genre de fuite organisée est le reflet du paradoxe burundais. En effet, le système éducatif du Burundi n’est pas pour les enfants de ceux qui l’ont imaginé et qui l’implantent dans le pays. Le système n’est pas bon pour leurs enfants, car il y a meilleur système ailleurs et les «grands» ont les moyens de l’offrir à leurs proches. Ce comportement des «grands» et des nantis s’observe aussi dans d’autres domaines comme la santé. Un «grands» ou un nanti ne se fait pas soigner à Bujumbura; il est évacué dans un hôpital de Nairobi où les spécialistes et le matériel médical inspirent confiance à nos «grands». Le petit peuple voit très bien le comportement des «grands» d’en haut. Ils espèrent un jour les imiter, faire comme eux. Ces petits ne sont donc pas à blâmer lorsqu’ils font comme «les autres».