Dans ce rapport de 25 pages, cette organisation épingle les défis auxquels fait face l’armée burundaise et les dangers qu’elle encourt si les divisions entre Ex-FAB et ex-PMPA (respectivement anciens militaires des Forces armées burundaises et ex-rebelles) devaient durer. Et cela à la lumière de la crise politique due au 3ème mandat du président Pierre Nkurunziza. Décryptage de notre contributeur Honoré Mahoro.
Dent pour dent entre ex-FAB et ex-PMPA
Ce rapport fait savoir que la fin de la contestation du 3ème mandat par une partie de la population a ouvert une autre page de l’histoire de l’armée burundaise. La crise a éclaté alors que les anciens militaires des Forces armées burundaises (FAB) et les nouveaux militaires issus du maquis n’avaient pas encore senti qu’ils formaient une seule unité des Forces de Défense Nationale. La crise a exacerbé la méfiance entre les ex-FAB et les PMPA.
Cette méfiance a été à l’origine des assassinats de certains militaires ex-FAB (tous échelons confondus) ainsi que les retraités et les démobilisés. La disparition d’un militaire ex-PMPA était toujours ressentie en partie comme une œuvre des Ex-FAB. Ainsi les assassinats du lieutenant-général Adolphe Nshimirimana et Darius Ikurakure (Ex-PMPA) ont été suivis par la mort des hauts officiers ex- FAB dont l’ex-Chef d’Etat-major des FAB, le colonel Jean Bikomagu. Partout les actions des ex-FAB ont été observées à la loupe et plusieurs dénonciations ont été orchestrées. Ce malaise au sein de l’armée a créé une peur chez certains militaires qui ont été contraints à l’exil ou à rejoindre des nouveaux mouvements rebelles comme RED-TABARA et Forebu. Le rapport de Crisis Group table entre 600 et 2000 militaires déserteurs.
Une armée, deux commandements
Selon le rapport, la crise actuelle a mis en exergue un commandement parallèle dont le noyau central était feu Lieutenant Général Nshimirimana, un ex-PMPA.
Ce commandement parallèle est en contradiction avec l’esprit et la lettre de l’Accord d’Arusha qui préconise une parité ethnique dans toute action de l’armée. Cependant, la présidence a développé un système qui favorise la division de l’armée. Ainsi, la nomination d’un civil membre du Cndd-Fdd comme ministre de la Défense passait l’éponge sur la parité Ex-FAB/Ex-PMPA. Les deux formaient avec le chef d’Etat-Major (ex-PMPA) une tête de l’armée déjà acquise au Cndd-Fdd. Ce rapport mentionne que les cadres de l’armée ex-FAB qui ont pu sauvegarder leurs postes se sont contentés des postes de second rang ou de profil sans pouvoir réel. La présidence par la même occasion a créé un certain clientélisme où les grades et les postes sont octroyés en raison de la proximité avec le régime politique.
Missions de maintien de la paix, un gros coup
Malgré le contexte de crise, le Burundi continue à participer dans les missions de maintien de la paix dans divers pays, avec un contingent important basé en Somalie. Ceci a permis aux militaires et au gouvernement de faire des entrées respectivement de 52 millions et 13 millions de dollars américains avant la fin de 2015. Une opportunité qui a dopé ainsi certaines réclamations d’ordre financier des militaires.
Malgré la pression de l’union européenne sur les modalités de distributions de ces salaires, un compromis a été trouvé. Mais le rapport recommande une sélection et encadrement minutieux des militaires candidats à ces différentes missions, au risque de voir certains imbonerakure faire partie de ces missions.
Une armée sans avenir rassurant
Le rapport dans tous les cas n’envisage pas un avenir radieux de l’armée burundaise. D’après le Crisis Group, la répression au niveau de l’armée peut aboutir à la longue à un autre coup d’Etat ou à des mutineries. Certains ex-PMPA également qui se sentiraient en danger vont se joindre à une masse favorable des ex-FAB. Mais les chances d’aboutir à des changements significatifs sont minimes, constate le rapport.
Un autre scenario est la fuite des hauts cadres ex-FAB et des subalternes consécutive à la volonté du pouvoir de neutraliser les opposants. Ainsi, l’internationalisation de l’armée burundaise s’effriterait, créant d’un seul coup des ennuis financiers. Le gouvernement embarrassé, pourrait avoir tendance à favoriser certaines unités.
Et le rapport de conclure : « Si l’armée burundaise a changé depuis la signature de l’accord d’Arusha en 2000, les liens pernicieux entre pouvoir politique et armée sont en revanche restés les mêmes ».