« Quand il n’y a pas de circulation des élites, il y a tout un système qui se bloque et ça finit pas imploser ou par exploser. »
Bien des chefs d’État africains ont tenté de réformer la constitution pour se maintenir au pouvoir. Rares sont ces initiatives qui ont abouti à la paix et à la sérénité dans le pays.
Philbert Nkurunziza, Egide Nikiza et Elie Irakoze, tous trois étudiants de l’Université du Burundi à Bujumbura, s’insurgent contre ce pouvoir à durée indéterminée. Ils appellent les jeunes à sensibiliser les citoyens pour qu’ils votent contre « le président qui passe outre la loi ».
Cette édition de Rencontres et Profils est présentée par Razzack Saïzonou et a déjà été publiée le 8 janvier dernier. Pensant qu’elle correspond à l’actualité, Waza vous la repropose aujourd’hui.
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Voici quelques extraits de cette édition, retranscrits ci-dessous :
Razzack : Quel est votre avis sur les présidents qui touchent à la constitution de leur pays pour rester au pouvoir ?
Elie : Changer les constitutions africaines est devenu une routine pour nos chefs d’État. Franchement, c’est un problème majeur pour le développement de nos pays. Les dirigeants se soucient uniquement de leurs intérêts et ignorent les intérêts du peuple. Il faut savoir qu’une constitution est une chose très importante pour le pays, car elle permet le bon fonctionnement de la nation. Au lieu de changer la constitution, les présidents africains doivent faire ce que le peuple leur demande.
Egide : On ne devrait pas tripatouiller la constitution pour des raisons personnelles. La constitution est un contrat qui engage tout un peuple. Les chefs d’État doivent respecter leur constitution comme les chrétiens respectent leur Bible ou les musulmans leur Coran.
Razzack : Une constitution est-elle écrite pour ne jamais être modifiée ?
Philbert : Une constitution est la marque d’un peuple libre. C’est un encadrement normatif et éthique de la politique, qui permet au pouvoir de connaître des limites. Nos présidents africains ont tendance à modifier la constitution pour s’éterniser au pouvoir afin de continuer à jouir de privilèges.
Razzack : Qu’est-ce qui vous gêne dans ces changements de constitution ?
Philbert : Ce qui me gêne personnellement, c’est qu’ils bloquent les initiatives de la part d’autres citoyens. Un pays qui ne connait pas de mobilité multiforme ne permet pas à d’autres citoyens d’émerger. De nouveaux leaders émergent lorsqu’il y a alternance au pouvoir, c’est un principe.
Razzack : Qu’est-ce qui vous gêne dans ces changements de constitution ?
Egide : Notre président Pierre Nkurunziza devrait partir, car il a de très bons exemples qui lui ont précédé : les présidents Pierre Buyoya et Domitien Ndayizeye. Lorsque la réalité du moment leur a demandé de partir, ils n’ont pas tergiversé, ils ont passé la main. Il faut qu’il apprenne aussi d’autres présidents africains, car en Afrique, il n’y a pas que des présidents qui veulent s’éterniser au pouvoir.
Razzack : Est-ce le bilan des deux mandats de Pierre Nkurunziza qui vous amène à vous opposer à cette prochaine candidature ?
Elie : Il a commencé à diriger notre pays en 2005. Aussitôt arrivé au pouvoir, il a promis monts et merveille. Mais en 2006, deux poids lourds politiques de l’ancien pouvoir ont été arrêtés et conduits manu militari au cachot. Ils ont été accusés d’une tentative de coup d’État. La même année, un avion présidentiel a été cédé de façon illégale. En 2007, le président du parti au pouvoir d’alors, Hussein Radjabu, a été arrêté dans des conditions qui restent toujours floues. Par la suite, il y a des cadavres qui ont été retrouvés dans des rivières, et ainsi de suite jusqu’aux élections de 2010. Après les élections de 2010, même chose : toujours des morts.
Razzack : Quel est le rôle des jeunes pour empêcher ces velléités si jamais elles se manifestent dans un pays ?
Egide : Je suis un patriote. Il faut que la jeunesse se mobilise pour transmettre ses connaissances à ses mamans, à ses papas, à ses frères afin qu’ils votent contre le président qui passe outre la loi pour s’éterniser au pouvoir.