Le blogueur Guy Muyembe pense à nous, Burundais. Dans son incapacité à atteindre Bujumbura, le siege des institutions burundaises, pour une interview avec le Président Nkurunziza (Pas la peine. Même les journalistes de la place aimeraient saisir cette occasion), Guy s’imagine ce qui en ressortirait.
Par Guy Muyembe
Monsieur le Président, qui êtes-vous ?
Les férus de l’actualité africaine ont commencé à entendre parler de moi au début des années 2000. Quand le Burundi, mon pays vacillait encore sous le poids de la succession des massacres inter-ethniques. Mais mon activisme politique est beaucoup plus ancien.
En 1972, âgé d’à peine 8 ans, j’étais témoin de l’assassinat de mon père au cours d’une série de carnages ayant fait près de 100000 morts en moins de deux mois. Ah ! Si on pouvait savoir à quel point c’est terrible d’être privé de l’affection de son père à cet âge-là. Plutôt que de pleurnicher sur mon sort en attendant un improbable consolateur, j’ai su rebondir : j’ai fait des études au terme desquelles, je suis devenu instituteur. Mais vers la décennie 90, j’ai été contraint de prendre le chemin du maquis étant donné la volonté du régime d’alors de me faire la peau.
Quelle est la place du sport dans votre vie ?
La pratique du sport est une seconde nature chez moi. Cela m’a valu le surnom de « Black Panther ». Au cours de mes jeunes années, j’ai donné des cours de gymnastique à l’université. Devenu chef d’État, il m’est déjà arrivé de jouer au football dans un stade où le président Paul Kagamé était l’un des nombreux spectateurs.
Quel rapport entretenez-vous avec Dieu ?
Je dois une fière chandelle à Dieu pour n’avoir pas été tué sur un champ de bataille, durant de mes années de lutte armée. Je me rappelle de la fois où j’ai été blessé au combat, convaincu que ma mort était proche. Dans sa miséricorde, Dieu m’a épargné.
Avec l’aide de mon épouse, j’ai intégré une église évangélique où je travaille avec zèle à l’édification de l’œuvre divine. J’estime que la Providence m’a choisi à cet effet et m’a confié les clés de mon pays dans ce même ordre d’idées.
Quelle est votre conception du pouvoir ?
Mon pouvoir émane donc de là-haut. En l’exerçant, je fais preuve à la fois de sévérité et de bonhomie. Les personnes qui se rendent notamment coupables d’incitation à l’insurrection ont toujours eu affaire à moi. Tout comme les journalistes irrévérencieux. Mais quelques-uns d’entre eux ont pu bénéficier de mon pardon : les journalistes Hassan Ruvakuki et Bob Rugurika ainsi que le militant Pierre Claver Mbonimpa en sont la preuve.
Monsieur le président, comment expliquez-vous votre spectaculaire ascension au sein des FDD ?
Je ne suis pas le fondateur du CNDD-FDD. Le parti avait deux ans d’âge quand je l’ai rejoint. Bénéficiant du coup de pouce d’un mentor, j’en ai pris la direction vers les années 2000. En cette qualité, j’ai eu à discuter d’égal à égal avec la personne qui assumait les fonctions de chef d’État à cette époque-là, avant la signature des accords d’Arusha.
La société civile, les médias indépendants, les opposants et même au sein de votre formation politique, vous êtes reprochés de vouloir briquer un troisième mandat en violation de la constitution, qu’en dites-vous ?
Notre constitution est pourtant claire à ce sujet: « Un chef d’État est élu pour un mandat de 5 ans au suffrage universel et renouvelable une fois ». Si j’ai été élu en 2010 au suffrage universel, cela n’a pas été le cas en 2005. La période de transition politique venait de prendre fin quand des gens, prétendument élus lors d’élections législatives, m’ont désigné comme Président. De 2005 à 2010 j’ai été au pouvoir avec la nette impression d’être un usurpateur. Par conséquent, ce mandat-là doit compter pour du beurre.
Vidéo de la manifestation des partisans de Nkurunzinza
Guy Muyembe est un blogueur congolais de Lubumbashi et qui a des amis au Burundi. Il lui arrive d’écrire à propos de notre pays et de commenter son actualité. Vous pouvez le retrouver sur son blog : Les plats préférés des lushois