Ce texte est d’un jeune poète burundais vivant à Bujumbura. Pour des raisons liées à sa sécurité nous ne publierons pas son nom.
Je parle de ces petits gens
Aux rêves grandioses et
Aux cœurs attristés par le pouvoir.
De ces petits commerçants
Qui ont dû fermer leur source de vie
Et leur unique espoir.
De ces mamans vendeuses des fruits
Qui sillonnaient les rues de Bujumbura
A la recherche du futur de leurs ménages
Et qui n’y vont plus de peur de voir leurs biens dérobés.
Ces mêmes mamans qui avaient marre
De l’indiscipline de quelques policiers
Qui n’avaient pas honte de dérober
Les biens de ces mamans respectables
Ou de les déshabiller devant les caméras
Du journal IWACU.
Je parle de ces étudiants, élèves et écoliers
Qui foutent leur avenir au pied
En s’absentant régulièrement à l’école
Ou à l’université.
Ces étudiants qui sont toujours en grève
Réclamant tout sauf rien,
Reprochés de meneurs dans les manifestations et
Renvoyés manu militari
Pour enfin aller camper devant l’ambassade des USA
Sur le gazon, jour et à la belle étoile.
Ces étudiants enfin devenus quémandeurs
Enfants de la rue.
Je parle de ces bureaucrates
Qui ne rêvent que passer toute la journée
Dans la rue ou dans le lit, autres que leurs lieux de travail.
Ces fonctionnaires mal payés.
Mais qui, n’eut été ces manifestations,
Avaient opté pour persévérer.
Disant que qui n’a rien n’oblige rien.
De ces sociétés publiques ou privés
Qui ne se souviennent plus de service complet
Mais qui s’habituent au « service minimum. »
Je parle de ces sociétés,
Ou ces particuliers
Dont les véhicules sont brûlés sous les yeux de leurs chauffeurs
Et sous les hués des manifestants.
Je parle de ces rues
Qui n’éprouvent plus de satisfaction
Du passage des véhicules passants.
Mais qui aujourd’hui sont réveillés
Par des brûlures des pneus.
Ainsi, je parle de la couche d’ozone
Qui est contraint de doubler
voire de tripler de résistance si possible
Pour supporter le fumé des pneus, et des hommes brûlés.
Je parle de ces habitants de quelques quartiers de la capitale
Ou de quelques collines burundaises
Qui ne dorment plus mais
Veuillant toute la nuit
Craignant le moindre mouvement de la nature.
Je parle aussi de ces jeunes milices
Qui passent des nuits blanches
Faisant des rondes nocturnes
Pour effrayer les opposants et les neutres
Alors qu’ils sont encore jeunes
Et qu’ils ont besoin de sommeil.
Je parle des ces hommes
Qui perdent leur crédibilité
A cause de petits discours maladroits
Que leurs bouches présentent contre leur gré.
Je parle de ces radiodiffuseurs qui ont vu leurs portes fermées
Ou leurs antennes limitées.
De ces burundaises et burundais
Qui ont vu leur droit à l’information violé en plein jour
Par des autorités en culot.
Je parle de…
Je parle de…
Je parle de ces victimes, hommes, femmes, enfants
Qui périssent sur le champ des manifestations
Entrain de chanter du n’importe quoi.
Je parle de ces manifestants et de ces policiers,
Qui se diabolisent alors qu’ils étaient des frères et sœurs
Et qui se lancent des pierres, des gaz.
De ces brûlés vifs.
Tous ceux là,
Ce ne sont que des innocents qui ne savent rien
Qui ne bénéficient de rien dans ce qu’ils font.
Les policiers ont celui qui les a envoyés
Tandis que les manifestants ont des raisons de manifester
Et les jeunes ont celui qui les induit dans l’erreur
De déchiqueter leurs frères et sœurs.
Toutes ces pertes ont un responsable.
Il y a un coupable qui ne se présente jamais
Sur le champ des faits.
Qui vit, qui suit et qui coordonne ces complots.