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Victime de « l’improvisation » congolaise, Dunia aurait pu être sauvé

Dunia est parti. Mais trente-cinq ans, c’est trop tôt pour mourir. Pas de doute, pour une partie de sa famille, cette mort ne peut être que l’œuvre de sorciers. Moi, je pense qu’on aurait pu le sauver, mais en République démocratique du Congo, on attend souvent que l’urgence se présente pour improviser…

Cet après-midi-là, après un match de foot entre copains, il est rentré chez lui. Nous nous sommes donnés rendez-vous le lendemain, mais le destin en a décidé autrement. Personne ne saura jamais ce qui l’a emporté. Ce qu’on connait, se sont les circonstances avant sa mort, que son frère m’a racontées.

« Situation grave, je ne peux rien faire. »

Pas de numéro d’urgence. En cas de crise, c’est l’improvisation

Il est 17 heures lorsqu’il s’écroule. Son frère appelle alors à l’aide. Les voisins débarquent et le portent à bout de bras jusqu’au centre de santé le plus proche. « Situation grave, je ne peux rien faire. Allez dans un hôpital mieux équipé », conseille le médecin de garde.

Le marathon se poursuit à bord d’un taxi collectif. Direction l’hôpital général de Kinshasa (HGK). Ici, il faut payer avant qu’un médecin ne touche au malade. Cotisation improvisée, tout le monde vide ses poches. C’est plus d’une heure après son malaise que mon ami Dunia sera enfin pris en charge. Malheureusement, le médecin n’a rien pu faire de plus que constater le décès.

« Il avait des problèmes avec son oncle »

« Dieu vous a donné cet enfant, et il a décidé de le reprendre. »

Que s’est-il passé exactement ? Personne ne le saura jamais. En République démocratique du Congo, l’autopsie est un luxe que ne peuvent s’offrir que les plus riches. Le coût exorbitant de cette pratique et les longues procédures administratives découragent ceux qui veulent en savoir plus sur les circonstances du décès d’un proche.

On accepte alors de ne pas savoir, ce qui laisse libre cours aux spéculations. Le soir de la veillée mortuaire, chacun y va de son commentaire. Pour la croyante qu’est la mère de Dunia, il s’agit tout simplement de la volonté de Dieu. « Dieu vous a donné cet enfant, et il a décidé de le reprendre », martèle d’ailleurs dans son sermon le pasteur de l’église qu’elle fréquente.

Une version que le père du défunt a du mal à accepter. Pour lui, il n’y a aucun doute. Il y a du mystique derrière la mort de son fils. « Cette mort ne restera pas impunie. J’irai au village après l’enterrement. Les sages me diront qui est celui qui a tué mon fils et pourquoi », assène-t-il, tout en pleurant son rejeton. Ses soupçons se dirigent vers le frère de son épouse. Ce dernier aurait décidé, par un tour de sorcellerie, d’éliminer Dunia suite à son refus de lui offrir un costume.

Empoisonnement

L’anticipation est loin de faire partie de nos usages.

Les collègues de Dunia croient savoir qu’il s’agit d’un empoisonnement. Un collègue jaloux de son évolution professionnelle aurait versé quelques gouttes d’un poison mortel dans un verre de bière. Une version qui ne s’appuie sur aucune preuve matérielle et difficile à vérifier autrement que par une autopsie.

À la recherche d’explications mystiques et embourbées dans les rumeurs, personne ne pose les bonnes questions : une prise en charge à temps aurait-elle permis de sauver Dunia ? Un numéro vert à appeler en cas d’urgence ? Une ambulance et un acheminement rapide vers un hôpital ? Oui, c’est ma certitude : Dunia aurait pu être sauvé.

Mais la réalité c’est que l’anticipation est loin de faire partie de nos usages. Nous attendons généralement que l’urgence se présente pour improviser. Je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’un système de santé efficace permettrait de sauver de nombreuses vies. Mais comme aiment le répéter mes amis: « Tu es un doux rêveur qui raisonne comme un homme blanc. »

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